P. Faucher et G. Deffontaines - Images de Chem Qui mieux que Paul Faucher, créateur du Père Castor, saurait évoquer Chacun sa maison, pétillant album-jeu créé en 1933 sur des images d’ Alexandre Chem. Les premiers albums de la collection forment, déjà à cette époque, « toute une famille » ludique et proposent « des jeux, des découpages, des pliages, des collages. Guidant une équipe d’écrivains, d’artistes et d’éducateurs, Paul Faucher souligne la caractéristique fondamentale de ses albums qui, « faits avec des enfants en pleine activité joyeuse, sont réellement faits pour les enfants ». Les 32 cartons à détacher de l’album nous invitent ainsi à rencontrer 8 enfants du monde, aux noms évocateurs – Nizou le petit Esquimau, Towak l’Indien, Bambo l’Africain, Yama la Japonaise, Yen l’Hindou, Aïcha l’Arabe, Mila la Slovaque, Jean le Français - et à les associer à un type d’habitat, un animal local et un moyen de transport particulier. Véritable voyage autour du monde qu’il faudrait idéalement prolonger avec l’enfant, le doigt pointé sur une mappemonde ! L’album ouvre sur une grande diversité d’utilisations pédagogiques selon le nombre et l’âge des joueurs : jeux d’observation à base de devinettes, de combinaisons, d’énumérations mais aussi jeux d’imagination et de lecture… Les dessins de Chem, artiste russe émigré en France qui illustra la même année et sur le même principe le fameux thème des Trois ours, nous offrent ici un délicat éventail des coutumes vestimentaires des pays visités - turban, coiffe de plumes, fourrure, kimono etc - sans tomber dans l’archétype banal et évoquent tout aussi pertinemment la tente ou la maison au toit de chaume ; le tigre ou le bourricot, l’autobus parisien ou le poussepousse… La virtuosité colorée de Chem, la justesse de ses représentations ethniques - jamais réductrices - contribuent activement au charme et à la pérennité de l’album dont les textes humanistes se démarquent de « la bonne conscience coloniale de l’époque »*. Il est intéressant ici de rapporter le souvenir d’enfance qu’en conserve son fils, devenu un architecte: « L’igloo, la yourte, la case en pisé hérissée comme un cactus, les branches d’un échafaudage devaient, dans un jeu des familles, être habités par leurs occupants : l’esquimau, l’éleveur nomade ou le paysan africain. Il fallait donc deviner qui habitait là et qui ici. Les maisons n’étaient pas que des legos, des cubes géométriques /…/ mais d’abord les demeures des humains, des autres /…/ Je garde la mémoire de cet album qui m’incitait à loger chacun dans sa maison ». ** Puisse la réédition de cet album provoquer, outre le divertissement, d’autres belles vocations…
Béatrice Michielsen Oct 2011
*Préface de Michel Defourny à propos de « Je fais mes masques » Nathalie Parain (1931) ** Paul Chemetov « Il y faudrait plus d’enfance » Ed Tarabuste 2008
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