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« Des images à colorier d’un genre tout à fait nouveau »

c’est ainsi que le Père Castor, s’enthousiasmait  pour les coloriages de l’artiste russe Hélène Guertik ( St Petersbourg 1897- Paris 1937) dont chaque album était à ses yeux «  à la fois une œuvre d’art et un document éclatant de fraîcheur et de couleur  ».

Des légumes - Des fruits - Des oiseaux et Des poissons  apparaissent donc dans le catalogue de 1935, classés dans la série « la joie d’inventer » au même titre que les albums de découpage, de pliage et les images lumineuses dont le but avéré était d’inviter l’enfant « à se servir à la fois de ses mains, de son intelligence et de son goût ; à chercher, à créer et à déployer une activité manuelle »

Colorier devient un art pour cet éditeur-pédagogue qui donne à l’image et à la couleur, une place prépondérante dans ses publications. Les parties à colorier apparaissent ici en «réserve» avec d’autant plus d’expressivité qu’elles sont agencées sur des fonds de couleur saturée, d’une grande intensité. Procédé particulièrement novateur dans la production de coloriage de l’époque où l’on privilégie la neutralité de la page blanche.

Du jaune-orangé le plus chaud, au bleu pétrole le plus soutenu jusqu’au noir le plus profond, ces aplats de couleur franche pour ne pas sanctionner les dépassements habituels de l’enfant, cette démarche pédagogique évite le remplissage servile d’une forme donnée et encourage davantage à découvrir « une certaine vérité artistique qui n’est ni la copie ni l’interprétation ». Plus qu’une leçon de coloriage, il s’agit d’une véritable initiation à la peinture par l’exemple.

Hélène Guertik, formée aux avant-gardes russes avait œuvré jusque là et de manière anonyme, sur les mises en page de couvertures d’albums. Dans un courrier à son éditeur, elle tient cette fois à préciser qu’elle a pris « une bonne part à la création de ces coloriages dont le caractère décoratif lui autorise plus d’initiative» et lui permet de renouer avec l’art du pochoir et la décoration textile qui furent ses première activités lors de son arrivée à Paris, au début des années 20. Elle demande que lui soient réservés certains thèmes privilégiés dont les reptiles. Pensait-elle à sa passion d’enfance pour les serpents et au petit crocodile vivant qu’elle reçut en cadeau de son frère ? Ce dernier titre ne verra le jour qu’après son décès : c’est le plus audacieux de la série !

Exercices de haute virtuosité autant pour leur mariage de couleurs originales que pour la force de leur composition, ces cinq albums, judicieusement réédités dans leur intégralité, furent salués en leur temps comme « des modèles exemplaires dans le domaine de l’édition enfantine » et restent  encore aujourd’hui l’expression la plus aboutie de l’art du coloriage.

Béatrice Michielsen